Molcer n°1, 2021, Jérémie Daire
« Ce que Marx a fait, je n’aurais pas pu le faire (…). Sans lui la théorie serait bien loin d’être ce qu’elle est. C’est donc à juste titre qu’elle porte son nom. »
(F. Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, 1888)
Quand on connaît le nom de Friedrich Engels, c’est souvent comme le co-auteur du Manifeste de 1847, l’ami de Karl Marx, et la tendance est de le comprendre dans son ombre, voire comme un « second couteau »… Pourtant, la modestie exprimée dans Ludwig Feuerbach n’est pas à prendre au mot. S’il n’a pas cherché à tirer la couverture à lui, Engels n’a pas été que le mécène aidant financièrement son ami : ses apports dans divers domaines, et notamment à la théorie matérialiste, sont considérables. Pour être fidèle à Engels, il faut observer le rôle qu’il a eu dans l’élaboration de ce que l’on appelle aujourd’hui le « marxisme ». En outre, sa vie et son œuvre ne peuvent être réellement séparées ; l’une éclaire l’autre.
Une famille de marchands (années 1820-1830)
Friedrich Engels naît en 1820 à Barmen (Wuppertal aujourd’hui), en Prusse rhénane, région ayant connu un développement capitaliste. Son père est commerçant dans le textile, et cette origine bourgeoise permet à Engels de comprendre le fonctionnement de la classe capitaliste, en même temps qu’il tend à compatir à la misère des ouvriers ; il l’exprime notamment dans les lettres de Wuppertal (1839). Cette première prise de distance d’Engels vis-à-vis de sa famille s’accompagne d’une rupture religieuse. Il développe un athéisme qu’un séjour chez un pasteur de Brême, effectué à la demande de son père, ne fait que confirmer. C’est donc un Friedrich Engels non insensible à la condition des travailleurs qui connaît les bouleversements des années 1830. En effet, au moment où Engels s’éveille politiquement, l’Europe se soulève : en Angleterre, les Chartistes s’organisent dès les années 1830 pour défendre les revendications démocratiques de la classe ouvrière. En France, les Trois Glorieuses de juillet 1830 montrent la force du mouvement des masses, capable de chasser un roi du trône. Le tsar écrase la révolte des Polonais contre le joug imposé par la Russie en 1831, avant d’aider l’Autrichien Metternich à mettre fin à l’agitation en Allemagne, en 1832. Au milieu de ce souffle révolutionnaire se constitue la « Ligue des justes », en 1836, ancêtre de la Ligue des communistes dont Engels écrira le manifeste, douze ans plus tard. Mais à cette époque, où il écrit dans le Telegraph für Deutschland, Engels n'est pas l’inspirateur de ce qu’il appellera, plus tard, le « matérialisme dialectique » : démocrate révolutionnaire, il promeut un État allemand unifié et se place du côté des travailleurs, dont il comprend la misère, mais pas encore le rôle historique. La fréquentation des jeunes hégeliens sera déterminante dans sa conception des mécanismes de l’histoire.
Pour lire la suite, achetez le numéro et abonnez-vous...
Molcer n°1, janvier 2021 - Revue Molcer
SOMMAIRE Pourquoi une nouvelle revue d'histoire du mouvement ouvrier ? Page 5 Friedrich Engels, deux siècles après, par Jean-Numa Ducange, Page 7 Friedrich Engels (1820-1895), par Jérémy Daire,...
https://molcer.over-blog.com/2022/10/molcer-n-1-janvier-2021.html
S'abonner ou commander un ancien numéro - Revue Molcer
Abonnement pour 4 numéros (2 ans) : 40 € Abonnement de soutien : 50 € ou plus Abonnement jeunes : 20 € Pour s'abonner à la revue MOLCER, merci de télécharger le PDF ci-dessous et de suivr...