MOLCER 1, Roger Revuz
Le cinéaste britannique Mike Leigh, originaire du Lancashire, a réalisé un film sur le massacre de Peterloo à l’occasion du deux-centième anniversaire de l’événement. Cet événement est méconnu en France, mais Mike Leigh a déclaré dans une interview que l’événement n’était guère mieux connu aujourd’hui en Angleterre, d’où son idée de faire un film sur l’événement.
Le film commence par l’évocation de la bataille de Waterloo en juin 1815 et nous suivons un jeune soldat traumatisé qui revient dans sa famille de tisserands à Manchester. Mike Leigh dresse un tableau de la situation économique et sociale de l’époque avec la misère, le pain qui augmente à cause d’une mauvaise récolte et des taxes sur l’importation des céréales. Il évoque la justice de classe où pour un vol de manteau un homme est condamné à être pendu et un autre, qui a volé une montre, à être déporté en Australie. Sa reconstitution cinématographique de l’époque est minutieuse et réaliste.
Nous assistons aux réunions organisées dans les tavernes par les militants radicaux, partisans de la réforme électorale, dont Samuel Bamford pour préparer le rassemblement de Saint-Peter’s Field à Manchester le lundi 16 août 1819 ainsi qu’aux réunions organisées par les femmes pour soutenir le mouvement. Mike Leigh dépeint la peur panique des partisans de l’ordre, industriels du textile, magistrats, policiers et ministres et même du prince régent, effrayés à l’idée d’une insurrection, inspirée selon eux par ceux que les ouvriers appellent leurs « frères français ». Le pouvoir n’hésite pas à utiliser des agents provocateurs parmi lesquels le plus célèbre est Oliver l’espion dont le personnage apparaît dans le film.
Henry Hunt, le principal leader radical, propriétaire fermier et grand orateur qui porte le chapeau blanc, symbole des radicaux, est dépeint comme un personnage peu sympathique, « égocentrique » comme le décrit Samuel Bamford dans ses Mémoires. Une scène du film nous montre Hunt s’opposant à Samuel Bamford qui voudrait que l’on prévoît quelques gourdins pour se défendre en cas d’attaque du rassemblement. Dans la dernière partie du film on voit les manifestants se rendre à Manchester depuis toutes les villes du Lancashire. C’est un rassemblement familial et pacifique de 60000 personnes. Mais réunis dans une salle d’un bâtiment qui domine le lieu du rassemblement, les magistrats, effrayés et remplis de haine pour la « populace », attendent le début du discours de Hunt pour donner l’ordre à la yeomanry, la milice bourgeoise à cheval, et à l’armée de disperser la manifestation et à la police d’arrêter Hunt. Après qu’un magistrat ait lu le Riot Act datant de 1714 qui interdisait tout rassemblement de plus de douze personnes , Les assaillants chargent et sabrent à tout va s’acharnant particulièrement sur les femmes. A la fin du film deux journalistes traversent Saint-Peter’s field jonché de cadavres et le comparent à un champ de bataille. Ils s’empressent d’aller écrire leur article dont le titre est tout trouvé : Peterloo.
Étonnamment, ce beau film qui évoque un moment important de la lutte des classes n’a pas trouvé de distributeur en France. Espérons que l’on pourra bientôt le trouver en DVD ou en VOD sous-titrée. (avril 2020)
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MOLCER n°1, décembre 2020 - Revue MOLCER
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