MOLCER 1
Le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier dit "le Maitron" (du nom de son fondateur Jean Maitron), regroupe actuellement plus de 200.000 notices sur des militantes et militants de 1789 à nos jours. Ces notices sont consultables sur le site maitron.fr. Considérant que le mouvement ouvrier est avant tout l'œuvre de nombreux militants oubliés, nous mettons en lumière dans chaque numéro de notre revue l'un(e) de ces inconnu(e)s, en publiant sa notice du Maitron, avec l'accord gracieux de ses animateurs.
JACQUES IMBERT
Né à Marseille le 6 février 1793, mort à Lyon le 6 mars 1851. Journaliste républicain et socialiste.
Son père, capitaine de la marine marchande, avait été exécuté en 1794 pour contre-révolution ; les biens de la famille avaient été confisqués.
Cela n’empêcha pas Jacques Imbert de devenir carbonaro sous la Restauration et de passer à Paris pour l’ami d’Armand Carrel et de Godefroy Cavaignac.
Le 29 juillet 1830, il fut blessé aux Tuileries. Membre de la Société des Amis du Peuple puis de la Société des droits de l’Homme, il fut de nouveau blessé lors des funérailles du général Lamarque, le 5 ou le 6 juin 1832.Il revint alors à Marseille et y créa la première feuille républicaine, Le Peuple souverain, qu’il anima durant dix-huit mois (1832-1833). Il y réclamait le suffrage universel, la liberté de la presse, la généralisation de l’instruction primaire. En même temps, il inspirait un groupe particulier du même nom que le journal, puis les sections locales de la Société des droits de l’Homme, fortes de douze cents adhérents, et leur propagande dans la classe ouvrière.
Lorsque, en avril 1834, Lyon et Paris se soulevèrent, la police marseillaise, supposant que Jacques Imbert allait entraîner les prolétaires marseillais sur la même voie, procéda en hâte à son arrestation. Conduit à Paris et détenu à Sainte-Pélagie, condamné en avril 1835, Imbert s’évada le 12 juillet avec vingt-quatre autres détenus et se réfugia en Belgique — d’abord à Binche — où il resta jusqu’en 1841. De là il participa sans aucun doute en 1839-1840 aux discussions et à la rédaction du Rapport sur les mesures à prendre, et les moyens à employer, pour mettre la France dans une voie révolutionnaire, Londres, 1840 (voir Berrier-Fontaine). En effet, il reproduira ce document en mars-avril 1847 dans son journal bruxellois, L’Atelier démocratique, s’en servira à partir de décembre pour débattre du programme de l’Association Démocratique et le proposera encore en novembre 1851 comme plate-forme politique à Ledru-Rollin exilé à Londres.
Rentré en France en 1841, à la suite de l’amnistie de 1838, il entreprit sans succès la publication d’un journal à Marseille, Le Peuple, et exerça pour vivre l’activité de représentant de commerce dans le sud de la France. La police supposait, sans doute à juste titre, que comme plusieurs autres voyageurs républicains, il servait de liaison entre les groupes démocratiques clandestins.
Impliqué en 1843 pour conspiration dans l’affaire des communistes de Toulouse, il se réfugia de nouveau en Belgique sans attendre d’être arrêté et condamné par contumace le 20 mars 1844 à cinq ans de détention. Dès 1843, il était établi avec sa compagne et leurs enfants dans l’agglomération bruxelloise, à Saint-Josse-ten-Noode, où il avait une poterie. La poterie semble avoir été dirigée de fait par sa compagne, Clémence Kina (née à Clermont-Ferrand en 1806), dont il avait deux enfants nés à Paris : Lycurgue (en 1829) et Joséphine (en 1834).
En juillet 1846, il fondait à Bruxelles une feuille hebdomadaire, L’Atelier (puis L’Atelier démocratique) qui eut pour collaborateurs Émile Brée et Gustave Ginouvés ainsi que l’Allemand Louis Heilberg. Imbert se retira de la rédaction début août 1847. À cette date il était devenu « la personnalité » démocrate française de Bruxelles (avec François Mellinet, mais qui était citoyen belge depuis 1838).
Il fut un des premiers à être consultés par certains émigrés allemands et des Belges pour la préparation de l’Association Démocratique Internationale qui vit le jour début novembre 1847 et rassemblait principalement des Belges, des Français, des Allemands et des Polonais. Le président d’honneur en fut François Mellinet, le président en fonction l’avocat bruxellois Lucien Jottrand, les vice-présidents Jacques Imbert et Karl Marx. À ce titre, Imbert fit partie des signataires tant des statuts de l’Association Démocratique que des pleins pouvoirs donnés à Marx pour traiter avec les Fraternal Democrats à la fin novembre, de l’Adresse au peuple suisse en lutte, etc.
Fin 1847 Imbert adhéra même à l’Association Ouvrière Allemande (Deutscher Arbeiter-Verein) de Bruxelles, que présidait le typographe Karl Wallau, futur bourgmestre de Cologne, et dont le secrétaire fut un temps Karl Marx.
On peut supposer qu’Imbert était resté en relations étroites avec les républicains et communistes parisiens, car, dès le 21 février 1848, il quittait Bruxelles pour Paris, apparemment comme représentant de l’Association Démocratique au banquet « réformiste » prévu pour le 22 pour célébrer l’insurrection polonaise de 1846 à Cracovie. Ce jour-là cependant, il était de ceux, fort peu nombreux encore, qui engagèrent le combat révolutionnaire sur la place de la Concorde.
Ledru-Rollin le nomma directeur de l’Hospice des Invalides civils, ouvert aux Tuileries en mars. En cette qualité il participa à l’organisation d’une légion belge qui devait proclamer la république d’Outre-Quiévrain et qui fut arrêtée au village frontière de Risquons-Tout. Entre temps un décret d’expulsion du 27 mars le rendait indésirable en Belgique, au même titre que huit autres étrangers, ayant déjà quitté le pays ou arrêtés sur place et reconduits à la frontière, dont Félix Nicolas Allard et Karl Marx.
Durant les Journées de Juin, Imbert accompagna les députés qui adjuraient les ouvriers parisiens de déposer les armes. À Marseille, en 1849, il continua de faire une besogne de propagande démocratique et socialiste.
C’est au cours d’une mission politique que la police s’empara de lui à Avignon. Transféré à Lyon dans une prison infecte, il y succomba aux maux qu’il y contracta. Huit mille ouvriers et démocrates lyonnais suivirent ses obsèques.
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MOLCER n°1, décembre 2020 - Revue MOLCER
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