MOLCER 6, Michel L. Lefebvre

Il y a exactement 90 ans, Hitler accédait au pouvoir. Le petit caporal de la Reischwehr de 1914-1918 qui avait tenté un premier coup d’état raté à Munich, sur l’avenir duquel on n’aurait pas parié un pfennig, a mis à profit la crise de l’hyperinflation puis celle de 1929 et ses cortèges de chômeurs, la dénonciation du Traité de Versailles par les milieux militaires et nationalistes, pour construire un parti nazi, le NSDAP. Le grand patronat allemand (Krupp, Thyssen, …) le choisit comme recours, face à la menace du puissant mouvement ouvrier et aux tentatives révolutionnaires de 1919-1923. Grâce à leur soutien, d’abord financier, Hitler et le NSDAP constituent des milices, les SA, qui répandent la terreur.  Au lieu de s’unir contre l’ennemi commun, les puissants partis socialiste SPD et communiste KPD (sur ordre de Staline) sont divisés. Et le 30 janvier 1933, Hitler appelé au pouvoir par le président de la République Hindenburg, devient chancelier, puis remporte les élections, dans le cadre de la République de Weimar née en novembre 1918. 
L’auteur restitue l’ambiance de tout un pays, en racontant ces quelques semaines qui ont fait basculer la démocratie de Weimar dans le IIIème Reich.
L’auteur du livre, ancien journaliste et critique littéraire, n’est pas historien. Mais il a effectué un travail considérable sur les documents de l’époque, articles de presse, carnets intimes, correspondances privées. Il compose une sorte de récit journalistique qui suit jour par jour l’attitude des intellectuels allemands en janvier- février 1933.
Dès le 1er février, ceux-ci doivent choisir. Partir ? Rester et résister ?  Ou capituler ? Est-on déjà sur une liste en tant que juif, communiste, homosexuel ?
 Certains capitulent tout de suite. Beaucoup sont persuadés que le pays va se ressaisir, qu’Hitler ne pourra rester longtemps au pouvoir. Erreur funeste. Le livre égrène tous les jours le nombre de morts et blessés dans les heurts entre les nazis et les communistes. 
Quelques exemples de ce riche milieu intellectuel parmi des dizaines d’autres :
Le très connu dramaturge Bertold Brecht continue à faire jouer ses pièces de théâtre à fort contenu pro ouvrier puis se cache dans une clinique et réussit à se réfugier en Suisse.
Le romancier Heinrich Mann, auteur d’un roman connu, Professor Unrat, se laisse expulser sans résistance de l’Académie prussienne par son président, qui lui, a choisi son intérêt. Son frère Thomas Mann, le plus célèbre des écrivains allemands, est heureusement à l’étranger. Ses deux enfants, artistes eux aussi, restés à Munich, l’incitent à ne pas rentrer, ce qu’il ne comprend pas
Georges Grosz, grand caricaturiste, peintre et communiste, dans le collimateur des nazis, réussit à fuir. En rentrant en 1948, il retrouvera toutes ses œuvres, cachées soigneusement, ayant échappé aux autodafés. 
La prestigieuse dessinatrice et sculptrice Käthe Kollwitz, auteur de nombreuses gravures sur le prolétariat, communiste, est expulsée de l’Académie. Elle continue à résister et lance un appel à l’unité KPD-SPD contre Hitler. 
Mais lorsque le Parlement (le Reichstag) brûle dans la nuit du 27 février, nouvelle provocation nazie, le piège se referme sur tous, intellectuels et peuple allemand.
 Beaucoup de ces intellectuels ayant les moyens de fuir se réfugieront en Suisse, sur la Côte d’azur ou aux Etats Unis. La suite, on la connaît.


 

Tag(s) : #Notes de lecture, #MOLCER 6
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