MOLCER 6, Lise Augot
En 1896, l’Irlande sort d’un XVIIIème siècle marqué par des famines et une restriction de son autonomie politique ainsi que par la naissance de mouvements nationalistes tantôt insurrectionnels tantôt parlementaristes ou encore artistiques visant à mettre en valeur la culture irlandaise. Dans ce foisonnement social et politique commence à apparaître le socialisme sur l’île. Il s’invite d’abord sous la forme utopiste, puis il s’inspire des Français de 1848 avec le mouvement de jeunes nationalistes Young Ireland pour enfin prendre une forme collectiviste dans le mouvement de réappropriation des terres de la Land League mais demeure extrêmement minoritaire. De nombreux clubs, sociétés et fédérations, plus ou moins proches des socialistes anglais de la Socialist Democratic Federation (SDF) se forment et se dissolvent pour se reformer autrement et se dissoudre à nouveau. Au tournant du siècle, le socialisme peine à se trouver une place sur la scène politique irlandaise, et ce en raison de sa difficulté à prendre position sur la question de l’indépendance, totale ou partielle, de l’Irlande. C’est à ce moment qu’apparaît une nouvelle théorie socialiste, qui parvient à intégrer dans les principes du socialisme scientifique marxiste la question nationale. Cette théorie est formulée par un homme issu d’une famille d’immigrés irlandais en Écosse et formé au socialisme au sein de la SDF écossaise, James Connolly. Elle s’incarne dans un parti, l’Irish Socialist Republican Party (ISRP) fondé en 1896 lors de l’arrivée de Connolly en Irlande et elle est rendue publique à partir de 1898 au moyen d’un journal, le Workers’ Republic. Ce journal est initialement une vitrine du parti et un moyen d’informer sur les événements qui secouent le monde politique irlandais. Sa publication prend fin lorsque le parti se dissout en 1903 mais il reparaît 12 ans plus tard, après la réorganisation demouvement ouvrier organisé. Si le journal est avant tout attaché durant sa première période de publication à l’ISRP et à la théorisation du socialisme républicain, durant sa seconde période il a davantage pour vocation d’accompagner le mouvement ouvrier naissant, et ce jusqu’à son ultime parution, à la veille du soulèvement de Pâques 1916 à Dublin.
Le Workers’ Republic, le journal d’un parti
Lorsque James Connolly fonde l’Irish Socialist Republican Party en 1896 à Dublin, il rassemble un petit nombre de jeunes socialistes et peine à faire grandir ses rangs. Le parti se démarque néanmoins sur la scène politique dublinoise en raison de la nouveauté idéologique qu’il apporte et grâce à sa propagande acharnée qui lui permet de répandre cette théorie nouvelle : le socialisme républicain irlandais. Dès sa création, il organise des formations théoriques au socialisme ainsi que des réunions publiques très populaires en extérieur au cours desquelles sont distribués des pamphlets de propagande. Les membres du parti deviennent renommés dans la ville pour leur qualité d’organisateurs, rassemblant jusqu’à parfois plus de mille personnes à leurs réunions. Le parti est actif dans l’agitation politique dublinoise et c’est à l’occasion des commémorations de l’insurrection des United Irishmen qui, inspirés par la Révolution française, s’étaient soulevés contre l’Angleterre en 1798, que le journal du parti voit le jour. Le Workers’ Republic, la « République des Travailleurs », naît donc de l’implication du parti dans l’organisation de l’anniversaire d’un soulèvement nationaliste. Dès lors, on voit apparaître la caractéristique qui distingue l’ISRP : son positionnement sur la question nationale irlandaise .....
 

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