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MOLCER 6, Jean-Pierre Molénat
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Communication au congrès tenu en hommage à Filomena Barros, Université d'Évora (Portugal), 2-4 juin 2022.
On voudra ici évoquer, en les associant, deux historiens regrettés, disparus l’une et l’autre, presque simultanément, en ce triste début de l’année passée 2021.
On dira tout d’abord le choc ressenti lors de la première publication, en espagnol tout d’abord, avant la version originale française un an plus tard, de ce qui n’était encore qu’un mémoire de maîtrise[1]. Enfin, on cessait là de nous présenter les musulmans d’Al-Andalus, et non plus de la prétendue “Espagne musulmane”, comme des Espagnols de toujours, de la soi-disant “Espagne éternelle”, seulement vêtus de djellabas et couverts, pour certains, de turbans. Par une coïncidence qui pourrait paraître extraordinaire, mais qui est au fond bien logique, le moment était celui même où, après le décès du vieux dictateur, el fresco general procedente de noroeste (« le général voyou originaire du Nord-Ouest », avec un jeu de mot intraduisible), le pays que chacun désignera, selon l’humeur qui lui est propre, comme l’Espagne tout court, ou “l’État espagnol”, s’ouvrait à un avenir nouveau, dans ce que l’on dénomme comme la “Transition” (point n’est lieu d’ajouter “démocratique”, car l’avenir n’était pas inscrit d’avance). Bientôt allait paraître, impulsée par une nouvelle génération d’arabisants espagnols, dont certains ou certaines sont présents ici, une jeune revue Al-Qanṭara, succédant à la vétérane Al-Andalus, trop marquée par la proximité de certains qui la considéraient comme leur appartenant personnellement, avec le régime finissant. En dehors de l’équipe animant cette revue, on peut citer d’autres noms, tel que celui du regretté Miquel Barceló, qui a profondément influencé Pierre Guichard, même si ce dernier n’en a pas partagé toutes les options. On n’ira donc pas jusqu’à affirmer que le premier ouvrage de Pierre Guichard ait constitué à lui seul la “révolution copernicienne” dans l’historiographie d’al-Andalus, mais il en était à bien des égards la marque et le symbole.
Mais comment et pourquoi un jeune historien français, sans attache préalable, à notre connaissance, avec le Maghreb et le passé colonial de la France, à la différence de ses grands prédécesseurs dans les études islamiques, tels qu’Évariste Lévi-Provençal, en est-il venu à être une référence de tout premier plan dans l’histoire du passé islamique de la péninsule ibérique ? Sur ce point il convient de prendre en considération le drame qu’ont constitué pour toute une génération de Français, les “événements” de la fin des années 1950 et le début des années 1960, s’agissant bien évidemment de la guerre d’Indépendance de l’Algérie. Que cette guerre ait provoqué la chute de la IVe République, instaurée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, et l’établissement du régime semi-présidentiel intitulé de la Ve République, sous lequel les Français vivent encore, après plus de cinquante ans passés, constitue une question qu’il n’est pas le lieu d’aborder ici. Ce qu’il convient par contre de souligner en ce lieu est combien elle a marqué toute une génération de jeunes gens qui avaient aux alentours des vingt ans en 1960.
Sans parler de tous ceux qui ont effectué bon gré-mal gré, et plutôt à contre-cœur,[1] vint huit mois de campagne dans les djebels et les villes d’Algérie et en sont restés profondément traumatisés, on voudra s’arrêter en passant sur d’autres jeunes gens qui ont pu échapper à l’épreuve de cette guerre, notamment grâce au “sursis” qui était accordé aux étudiants dans le but qu’ils pussent terminer leurs études entreprises. Beaucoup d’entre eux ont exprimé leur refus, et cela des plus diverses manières. Il y a évidemment ceux que l’on a dénommés les « porteurs de valises », transportant des armes ou des fonds pour les combattants du Front de Libération Nationale (FLN). D’autres, que l’on n’oubliera pas, avaient réalisé de semblables services pour la branche rivale du nationalisme algérien, le Mouvement National Algérien (MNA), dans les premières années de la guerre, mais cessèrent de telles activités à partir de la capitulation politique du vieux leader nationaliste, Messali Hadj, devant Charles de Gaulle, en 1958. Mais il existait alors également d’autres jeunes gens, à qui, au moins pour certains d’entre eux, on avait dit : « Ce n’est pas en Algérie que vous avez à faire la révolution, mais en France »[1], et qui se contentèrent de courir à travers les rues de Paris en criant : « Paix en Algérie ! ». L’exercice n’était certes pas entièrement dépourvu de risques, comme auraient pu en témoigner la dizaine de « morts de Charonne », écrasés, le 8 février 1962, par une charge de police à la station de métro de ce nom, située dans l’Est parisien. Leurs funérailles donnèrent lieu à la plus nombreuse et impressionnante manifestation que l’on ait vue à Paris avant celles du printemps de 1968, rassemblant un demi-million de personnes. Certes le drame de Charonne peut paraître de moindre importance, comparé avec la tragédie du 17 octobre 1961, durant laquelle peut-être des centaines de manifestants pacifiques algériens furent jetés à la Seine, où ils se noyèrent, par la police française, placée sous les ordres du préfet Maurice Papon, plus tard condamné par la justice française, mais pas pour ces faits, de par une loi d’amnistie couvrant les faits en rapport avec les « événements d’Algérie »[1]. Mais il a plus qu’elle frappé l’opinion à l’époque, sans doute parce que l’ampleur du crime d’octobre 1961 est resté durant longtemps soigneusement masqué….
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MOLCER n°6, JUIN 2023 - Revue MOLCER
SOMMAIRE 1/ Hommage à Bernard Chevreau 2/ Appel aux lecteurs et abonnés 3/ Présentation de Molcer 6, par Jean-Numa Ducange 4/ À propos de l'exposition " Marx en France ", par Jean-Numa Ducange ...
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