Molcer 6 Clara Parriel
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Anarchiste ! A la fin du XIXe siècle, le mot évoque les attentats qui frappent les cafés à la mode, les commissariats, l’hémicycle parlementaire et jusqu’au président de la République. Cette « propagande par le fait » qui, aux yeux de la droite et des radicaux, désigne sans nuance l’anarchiste comme un ennemi de la société, embarrasse au contraire les socialistes eux aussi révolutionnaires et issus du mouvement ouvrier.
« J’établis que l’anarchie ne demande qu’à la propagande violente, qu’au crime et au meurtre le moyen de réaliser ce qu’elle appelle son programme. »
Cette citation est celle de Maurice Lasserre, député de la majorité gouvernementale et rapporteur de la quatrième et dernière des lois dites « scélérates ». Ce propos est tiré d’un de ses discours, en juillet 1894, lors des débats à la Chambre des députés qui aboutissent à l’adoption de cette loi « contre les menées anarchistes ». Créant un « délit d’anarchisme », cette loi est l’aboutissement du discours quasi-unanime visant à considérer le mouvement anarchiste comme entièrement responsable des bombes. En effet, entre 1893 et 1894, des attentats ont lieu en France (une bombe explose à la Chambre le 9 décembre 1893, une autre dans un café en février 1894, et le président de la République est assassiné en juin 1894). Autour de ces attentats politiques, les autorités cherchent à comprendre le geste. Les autorités homogénéisent un mouvement politique pourtant hétérogène. Pour le gouvernement, il s’agit de cibler des coupables à incriminer, en usant de nombreux stéréotypes, afin de comprendre le « dynamitard », « l’anarchiste », qui a porté atteinte à l’État. Dans l’idée de réprimer une potentielle « entente de malfaiteurs », l’anarchisme est perçu comme une forme de criminalité qui suppose un traitement particulier par rapport au droit commun, réprimé habituellement par le Code pénal de 1810.
Face à ces enjeux, ces dispositions répressives ont pu être maintes fois commentées. Officiellement, les « lois scélérates » reviennent sur la liberté de la presse, élargissent les dispositions pénales contre les associations de malfaiteurs, la fabrication d’explosifs, et enfin la création d’un « délit d’anarchisme » qui perçoit la propagande anarchiste comme une incitation au crime. Lors de leurs interventions à la tribune, les députés de la Chambre ont recours à diverses représentations de l’anarchisme. En un sens, les « lois scélérates » semblent être l’aboutissement du discours unanime de diabolisation. Les discours de diabolisation et de criminalisation émanent de l’ensemble de l’assemblée, bien que l’aile gauche de la Chambre des députés se démarque par une critique vive de ces lois.
Malgré des discours sur l’anarchisme qui semblent dans un premier temps homogènes, il est intéressant de mettre la focale sur certains groupes parlementaires. Comment les socialistes se positionnent-ils au cours de ces débats ? Au-delà d’une condamnation de l’attentat, comment réagissent-ils à la diabolisation du mouvement anarchiste ? Comment se revendiquer révolutionnaire à la Chambre tout en échappant aux amalgames et aux stéréotypes du gouvernement ?
A un moment où les socialistes intègrent en plus grand nombre les bancs de l’assemblée (une quarantaine de députés élus sous l’étiquette socialiste en septembre 1893, une poussée électorale remarquée et fortement commentée), l’irruption des attentats au cœur de l’institution républicaine marque une rupture. Les bombes sont une nouvelle forme d’intervention, violente, dans la sphère politique, alors même que l’anarchisme renie cette sphère dans cette « république bourgeoise ». Entre les révolutionnaires jugeant devoir porter l’action politique sur le terrain de l’illégalité et l’entrée de certains socialistes à la Chambre, une scission semble s’ancrer entre les « frères ennemis » des socialismes du XIXe siècle. Ces lois et les débats qui les précèdent sont le temps des questionnements idéologiques sur la place de la violence politique dans un régime démocratique. Les socialistes font preuve d’une opposition résolue contre l’ensemble de l’attirail répressif mais, à la Chambre, ils portent différents discours. Cet article relate les différentes perceptions des anarchistes dans le contexte des attentats de 1893-1894. Les discours énoncés à la tribune sont des morceaux d’éloquence. Les représentations qui en découlent émanent de débats houleux, dans un contexte de crise et de rivalités politiques vives sur les bancs de l’assemblée...
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MOLCER n°6, JUIN 2023 - Revue MOLCER
SOMMAIRE 1/ Hommage à Bernard Chevreau 2/ Appel aux lecteurs et abonnés 3/ Présentation de Molcer 6, par Jean-Numa Ducange 4/ À propos de l'exposition " Marx en France ", par Jean-Numa Ducange ...
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