Note de lecture : Dictionnaire de l'anarchie d'André Girard, Textes réunis et présentés par François Gaudin et Françoise Guérard

MOLCER 7, Michel Cordillot.Source documentaire de première importance pour les chercheurs en même temps que curiosité, ce qui devrait justifier sa présence dans toutes les bibliothèques publiques, ce Dictionnaire de l’anarchie fut au départ un dictionnaire dans un dictionnaire. Les articles, repérés et regroupés par les deux éditeurs scientifiques, ont en fait été écrits à l’intention du Dictionnaire journal dont Maurice Lachâtre lance la publication à la fin de sa vie (il n’en verra d’ailleurs pas l’achèvement) afin d’actualiser son Nouveau dictionnaire universel. 
Bien qu’il figure dans la mémoire collective de la gauche comme l’éditeur qui a fait traduire et publier en français le Capital de Karl Marx, Maurice Lachâtre (1814-1900) reste une figure encore mal connue en dépit des nombreux travaux que lui a consacrés François Gaudin. Homme de conviction et de progrès, frotté d’idées saint-simoniennes et fouriéristes, quarante-huitard actif, recherché par les fusilleurs versaillais lors de la chute de la Commune, il a pour cette entreprise lexicographique qui ne sera pas tout à fait la dernière fait appel à de jeunes collaborateurs souvent proches de l’anarchie, lesquels vont lui donner une tonalité très libertaire. 
Celui qui va véritablement marquer de son empreinte cette entreprise éditoriale se nomme André Girard (1860-1942). Resté dans l’ombre bien qu’il ait écrit dans plusieurs journaux anarchistes, il a pourtant produit une œuvre considérable, à la fois avec les articles rédigés pour le Dictionnaire journal et pour le Dictionnaire Lachâtre qui suivra encore, ainsi que comme compositeur de musique.  
L’intérêt des textes rassemblés dans ce fort volume est d’offrir un panorama assez large de l’état de la réflexion anarchiste à la fin du XIXe siècle, alors même que la période est marquée par d’importantes remises en cause. À la période des bombes et de la propagande par le fait est en train de succéder l’émergence de l’anarcho-syndicalisme avec la naissance de la CGT et l’essor des Bourses du travail. Ce recueil montre aussi que l’anarchisme ne se réduisait pas à une confrontation violente et permanente avec l’ordre établi, mais qu’il y avait derrière toute une réflexion reposant sur de généreuses idées d’émancipation. 
On retiendra, pour laisser le mot de la fin au principal concerné, cette citation tirée de l’article « Raison » qui est un bel article de foi en l’avenir : « … de même que la raison humaine est allée en progressant depuis l’enfance de l’humanité jusqu’à nos jours, de même elle continuera son mouvement ascensionnel vers la liberté, la justice et la solidarité sociales. Rien ne saura l’en empêcher : le progrès est la loi de l’univers. »

André Girard, Dictionnaire de l’anarchie,
Textes réunis et présentés par François Gaudin et Françoise Guérard, 
Paris, Honoré Champion, 2021, 378 p., 70 €

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