Zygmunt Glücksmann (1884-1942) : militant de la gauche juive, chef des socialistes allemands en Silésie polonaise

MOLCER 7- Dariusz Zalega . La Haute-Silésie - aujourd'hui principalement située à l'intérieur des frontières de la Pologne, au début du XX^e siècle, était divisée entre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Grâce à l'industrialisation, elle est devenue le plus grand pôle industriel d'Europe centrale. L'énorme concentration ouvrière aurait pu être à la base du développement du mouvement de classe, mais cet environnement était miné par des conflits nationaux, principalement polono-allemands. Dans ce contexte, la figure de Zygmunt Glücksmann, militant de la gauche polonaise, juive et allemande, se détache.

               La grande majorité des communautés juives de Haute-Silésie se sentaient liées à la culture allemande et, surtout, appartenaient à l'élite sociale. Par conséquent, seul un petit groupe d'entre eux s'est engagé dans des activités de gauche. Les quelques exceptions comprenaient Otto Landsberg de Rybnik - un diplomate social-démocrate de la République de Weimar, Artur Goldstein de Lipiny - un idéologue de premier plan du Parti communiste ouvrier d'Allemagne, et surtout Zygmunt Glücksmann - le chef des sociaux-démocrates allemands dans l'entre-deux-guerres polonais en Silésie.

À la frontière

Zygmunt (Siegmund) Glücksmann était un homme de la frontière culturelle. Il est né en 1884 dans une famille juive de Galice autrichienne. Il a été expulsé du collège de Wadowice pour son activité au sein de l'organisation de jeunesse indépendantiste "Promieniści" associée aux socialistes polonais. Il étudie ensuite le droit à l'Université de Cracovie, obtenant un doctorat en droit en juillet 1914 - après le déclenchement de la Grande Guerre. Pendant ce temps, en 1905, le Parti social-démocrate juif (Żydowska Partia Socjal-Demokratyczna, ŻPSD) a été créé, qui - dans l'atmosphère de conflits - s'est séparé du Parti social-démocrate polonais, qui dominait à gauche en Galice. Le jeune Glücksmann est devenu l'un des deux trésoriers du parti, a pris une part active aux campagnes électorales et a grandi pour devenir l'un des théoriciens du parti. Au 6^e congrès du parti, les 23 et 24 octobre 1913, c'est lui qui présenta la résolution soumise par les instances du parti et adoptée à l'unanimité, déclarant, entre autres, que « le ŻPSD se tenait et continuera de se tenir sur la plate-forme d'égalité des droits pour la nation juive ».

          En 1914, Glücksmann épousa Hilda Rosner de Bielsko, ce qui influença son attachement progressif à la culture allemande locale. La même année, il est mobilisé dans l'armée autrichienne. Il a été blessé en tant que commandant de compagnie. En 1915, son fils Konrad est né, et en 1927 sa fille Ruth.

         Peu de temps après la fin de la guerre et la renaissance de la Pologne, en 1918, Glücksmann devint le secrétaire du comité exécutif du ŻPSD, et deux ans plus tard, lors du congrès de son unification avec l'Union générale des travailleurs juifs en Lituanie, en Pologne et en Russie, connu sous le nom de Bund, il est élu dans les instances du parti où il se situe à l'aile gauche, en tant que partisan de l'adhésion à la III^e Internationale¹. Bientôt, cependant, les chemins de Glücksmann et du lsocialisme juif ont divergé. Peut-être la tradition du Bund ne convenait-elle pas au jeune militant élevé à l'école de la social-démocratie autrichienne ?

         En 1921, Glücksmann réussit l'examen et ouvrit un cabinet d'avocats à Bielsko, où il s'associa aux cercles de l'intelligentsia locale allemande ou judéo-allemande. Il convient de souligner la spécificité de ce qui était alors Bielsko - une ville silésienne limitrophe de la Biała galicienne. Il y avait de fortes communautés juives dans les deux villes, mais celle de Bielsko - comme en Silésie en général - penchait clairement vers la culture allemande, à la différence des juifs traditionalistes de Biała, ce qui a conduit à de nombreux conflits. Dans le même temps, Bielsko était le centre d'un fort mouvement social-démocrate, basé principalement sur les travailleurs polonais et allemands de l'industrie textile locale. Les syndicats de classe y regroupaient des travailleurs de différentes nationalités, contrairement à l'agglomération de Haute-Silésie en Silésie polonaise (auparavant allemande), où des organisations syndicales nationales distinctes ont été créées. La réponse de Jan Bienek, l'un des dirigeants du Syndicat des travailleurs et des travailleurs de l'industrie textile de Bielsko d'avant-guerre, à la question d'un historien - déjà en République populaire de Pologne - sur la nationalité des collègues du conseil d'administration de la branche syndicale est caractéristique de cette situation. Bieniek avait devant lui une photographie de 1932, dans laquelle il identifiait des individus. Cependant, la question sur la nationalité l'a beaucoup surpris et il a répondu : « Nous ne nous en sommes pas occupés. Personne n'a posé la question."

          Déjà en 1920, c'est-à-dire alors qu'il était encore membre du Bund, Glücksmann s'impliqua dans la société social-démocrate Wahlverein "Vorwärts", qui après l'effondrement de l'Autriche-Hongrie perdit le contact avec son siège à Vienne. Son organe était le journal "Volksstimme", fondé en 1903 (il a été publié jusqu'au début des années 1930). À l'été 1920, la partie autrichienne de la Silésie est finalement divisée entre la Pologne et la Tchécoslovaquie, et les sociaux-démocrates issus de la minorité allemande commencent à reconstruire les structures et à « apprivoiser » la nouvelle réalité. En tant qu'organisateur et théoricien efficace, Glücksmann s'est avéré être un très bon atout pour la gauche allemande, comme en témoigne sa carrière rapide. L'unification de cette gauche s'est rapidement amorcée, malgré les différences de tradition entre deux régions silésiennes, – l’une avant autrichienne, l'autre prussienne - et liées à diverses expériences antérieures (différences de coopération avec des socialistes d'autres nationalités, entre anciens membres du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) de l'ancienne Silésie allemande et ceux issus de la social-démocratie multinationale austro-hongroise)....

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