MOLCER 7, Nikos Papadatos
L'année 1935 marque, dans l'histoire du Komintern, le passage de la "troisième période" à l'ère des "Fronts populaires", d'une dénonciation virulente des socilaistes caractérisés comme "socio-fascistes" à la recherche d'alliances sans rivage à droite. Nikos Papadatos montre, dans cet artcile comment ces "lignes" successives ont été dictées de Moscou au Parti communiste de Grèce (KKE), au prix d epurges et d'un renouvellement des cadres qui ont progressivement "soviétisé" un parti mal "bolchévisé" au cours de la décennie précédente.
Les coulisses du Komintern et le KKE : le renouvellement des cadres (1931)
La lutte contre le fascisme en Grèce (1931-1936) sur la base de la ligne directrice du Front Populaire initiée par le Komintern lors de son VIIe Congrès, n'aurait jamais pu avoir lieu si le KKE n'avait modifié préalablement sa politique conformément aux objectifs fixés par la direction de l’IC* et le PCP(b)*. L’Appel lancé par l’I.C. en novembre 1931 marqua indubitablement le début du processus de «soviétisation» du KKE. Le 2 novembre 1931, l'article principal du journal grec Neos Rizospastis présenta ainsi l'essentiel de la critique de l’IC : "Bien qu'à la base de la lutte entre factions au sein du Parti il y ait eu quelques désaccords politiques, au sein de la direction du Parti, le caractère de cette lutte a résulté d'une exagération grossière de ces diverses opinions et dans de nombreux cas de motifs personnels sans principes. Dans la mesure où des divergences politiques divisaient les deux groupes de la direction du Parti : [celui de Chaitas-Eutychiadis et celui de Theos-Siantos [...], les programmes de ces deux groupes représentaient un mélange de déviations de droite et de "gauche" par rapport à la tactique bolchevique dans la lutte des classes. Dans la pratique, cela s'exprimait dans la conduite des luttes économiques, dans la préparation de la grève générale ainsi que dans l'orientation de tout le travail interne d'organisation et de masse du Parti ".
Ce qui mérite d’entrée d’être mentionné, c’est le groupe de personnes qui se chargèrent de la promotion, dans le Parti, de nouveaux cadres dévoués au Κomintern et bien entendu à Staline. Le 21 novembre 1952, dans le cadre d’une séance plénière du CC* du KKE, consacrée à la réintégration de Yannis Ioannidis, l’un des cadres dirigeants du Parti au cours de la Résistance nationale et de la guerre civile, Nikos Zachariadis, le secrétaire général, se référa, en ces termes, à son action politique : « Comment est-il arrivé à la direction [du Parti] en 1931 ? Par hasard. Comme moi. C'est Valetsky qui l'a amené [à la tête du Parti]. ». Comme l’écrit Yannis Ioannidis dans son autobiographie, exclusivement réservée à un usage interne au Parti : « Quelques jours après ma sortie de prison, Yannis Michailidis est venu à Thessalonique de la part du Bureau Politique. Le lendemain, le représentant de l’I.C. Valetsky arriva avec Chryssa [Chatzivasiliou] … ». Valetsky, était le pseudonyme d’Horwitz Maximilian, communiste polonais qui avait en 1925 rejoint l'appareil du CE* de l’IC et adhéré au PCP(b). Son activité au sein du Comité exécutif de l'IC était aussi liée à sa section grecque, le KKE. La « crise » de direction du KKE de 1929-1931, que l'IC elle-même avait décrite comme une lutte de factions sans principes, coïncida avec la crise économique mondiale qui ébranla considérablement l’économie de la Grèce. Les nombreuses grèves qui s’en suivirent, manifestement dues à la détérioration du niveau de vie des masses, créèrent un climat politique conflictuel dans lequel le KKE joua un rôle actif.
L'IC considérait la période comme quasi-révolutionnaire. Le KKE tenta d'élaborer une tactique spécifique qu’exprimait le slogan, approuvé par le Κomintern, du « caractère de la révolution imminente en Grèce ». La question politique immédiate était, pour le mouvement communiste hellénique, de mettre à profit la vague de grèves pour appliquer les directives de l’IC, exprimées dans l’appel de 1931. Elle suscita un débat houleux au sein de la direction du KKE. Le groupe dit Chaitas-Eftychiadis, soutenait que « la grève politique générale » ne pouvait être une tâche politique immédiate, les conditions objectives étant insuffisamment mûres. En même temps, la nécessité d'un renforcement organisationnel du Parti fut mise en avant par Chaitas lui-même. Le deuxième groupe, dit Groupe Siantos-Theos, préconisait un appel immédiat à la grève politique générale, dans le but d’« orienter rapidement les masses ouvrières et paysannes vers la gauche » et de « faire naître une nouvelle révolution » pour s'emparer du pouvoir.
Ces conflits internes au Parti grec furent finalement résolus par l’IC elle-même. Des dirigeants du KKE se rendirent en URSS après avoir réussi des évasions difficiles voire spectaculaires des prisons d'Athènes, évasions qui allaient plus tard susciter la plus grande suspicion du pouvoir central soviétique et du NKVD*. Lefteris Apostolou, Andronikos Chaitas, Kostas Efthichiadis, Orpheas Economidis, Vassilis Asikis, Markos Markovitis, Dimitris Paparigas, Periclis Karaskogias, Grigoris Grigoriadis, Giorgis Siantos, Giorgos Kolozov et Giorgos Douvas arrivèrent ainsi à Moscou en avril 1931....
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