MOLCER 7, Michel Cordillot. Femme de lettres et journaliste, militante socialiste et féministe, Léodile Champseix, dite André Léo, fut une figure majeure – on l’a un peu oublié aujourd’hui – du mouvement social durant le troisième quart du XIXe siècle.
On trouvera dans ce volume ses textes concernant une période aussi courte que décisive, que Victor Hugo a si justement qualifiée d’« année terrible », et qui fut marquée par une succession d’événements dramatiques (la guerre contre la Prusse, le siège de Paris, la Commune) tandis que se livrait une lutte implacable qui allait déterminer l’avenir politique républicain de la France. À côté de textes écrits à chaud, lettres ou articles parus dans la presse entre le 10 juillet 1870 et le 16 mai 1871, figurent également des analyses rédigées avec davantage de recul concernant les événements survenus durant cette même période. 
De ces temps difficiles, André Léo fut tout sauf un témoin ordinaire. Elle partagea au jour le jour les souffrances du peuple parisien durant le premier siège ; en quittant Paris peu après l’armistice pour se rendre dans sa famille, elle put constater par elle-même à quel point le fossé avait été creusé par la guerre entre les habitants de la capitale et ceux des provinces ; enfin, volontairement rentrée à Paris après la proclamation de la Commune, elle se trouva de nouveau en capacité de suivre les événements jusqu’à leur dénouement tragique.
Elle fut aussi (et sans doute d’abord) une actrice engagée – on lui doit l’admirable Appel au travailleur des campagnes – et elle en paya d’ailleurs le prix fort avec un long exil après l’écrasement de la Commune, en même temps qu’une analyste empreinte d’une grande lucidité, à la fois polémiste redoutable dans l’immédiateté et visionnaire à plus long terme. 
Disons-le sans crainte d’être contredit : André Léo s’élève largement au-dessus du journalisme ordinaire. Très vite, elle s’affirma comme une commentatrice avisée et une femme politique clairvoyante, qui était aussi remarquablement informée et qui n’hésitait pas à faire ce qu’on appellerait aujourd’hui du journalisme d’investigation en se rendant sur le terrain. Dans la prose élégante et alerte qui est le propre de la femme de lettres qu’elle était déjà, elle savait rendre intelligible cette actualité qu’elle suivait de très près – quand elle n’était pas au premier rang des participants comme lors des journées qui virent l’effondrement de l’Empire. Elle savait mettre les événements en perspective. Ce qui transparaît sans doute de la façon la plus remarquable dans ses articles est sa capacité à produire à chaud une analyse distanciée mettant bien en évidence les véritables enjeux du moment. Ces mêmes qualités de clairvoyance et d’analyse se retrouvèrent par la suite dans ses écrits d’exil. Plus longs et plus fouillés, ils proposent une analyse souvent pertinente, qui, à ce jour encore, garde un réel intérêt. 
C’est dire que la publication de cet ensemble documentaire avait toute sa raison d’être au moment où l’on fête le 150e anniversaire de la Commune (article rédigé en 2021 NDR). Préparé par Jean-Pierre Bonnet avec l’appui indéfectible de l’éditeur Ressouvenance, le présent volume restera sans doute comme un modèle en matière d’édition de sources, du fait de son exhaustivité et de son appareil critique remarquable de précision et d’érudition.

André Léo, Écrits du temps de guerre. Articles et manuscrits 1870-1871,
Edités et annotés par Jean-Pierre Bonnet, Ressouvenance, 2021, 601 p., 29,99 €
 

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