MOLCER 2-Roger Revuz.Le temps des humbles est un roman graphique qui raconte les mille jours de l’Unité populaire au Chili entre 1970 et 1973 à travers la véritable histoire de la jeune Soledad et de son compagnon Alejandro, militant du MIR (Mouvement de la Gauche révolutionnaire). Nous les suivons depuis la campagne électorale pour les élections présidentielles de septembre 1970 qui voit arriver en tête le populaire candidat de l’Unité populaire, Salvador Allende, (déjà candidat malheureux par trois fois à la présidence du Chili) jusqu’à sa chute le 11 septembre 1973. Allende, leader du Parti Socialiste est un politicien réformiste qui croit possible d’arriver au socialisme par la voie électorale en respectant la légalité constitutionnelle. Or comme le dit un personnage du Temps des humbles : « être légaliste c’est donc se conformer aux intérêts de la bourgeoisie. »
Le temps des humbles restitue avec justesse l’enthousiasme et l’espoir qui s’emparèrent de la classe ouvrière, des petits paysans, des étudiants avec la victoire de Salvador Allende. Pour la première fois, un gouvernement prenait des mesures en faveur de ces couches sociales : alphabétisation, soins gratuits, maximum des loyers, demi-litre de lait quotidien distribué aux enfants. Encouragés par la victoire d’Allende, les paysans s’emparent des terres non-exploitées des grands propriétaires fonciers.
Le programme d’Allende est un programme de réformes sociales qui ne s’attaque pas au pouvoir économique de la bourgeoisie chilienne mais même de ce programme modéré, celle-ci ne veut pas et appuyée par les Etats-Unis, elle est prête à tout faire pour le faire échouer. Dans un document déclassifié de la CIA datant de septembre-octobre 1970, reproduit par les auteurs, on peut lire : « le président Nixon a décidé qu’un régime Allende au Chili n’était pas acceptable pour les Etats-Unis » et ordre est donné aux agents de la CIA d’utiliser « tous les moyens disponibles y compris les rumeurs, pour créer une sorte de climat de coup d’Etat ».
Alors que le droite et l’extrême-droite engagent une politique de la tension, multipliant les attentats et les assassinats politiques, (assassinant notamment le général Schneider parce que légaliste, il voulait laisser l’armée en dehors des luttes politiques), Allende jusqu’à la chute finale, le 11 septembre 1973, défendra l’idée d’une armée légaliste. En août 1973, alors qu’en juin une première tentative de coup d’Etat, le tancazo, a eu lieu, il remanie son gouvernement en nommant ministres trois militaires dont le général Prats, commandant en chef des armées, comme ministre de l’Intérieur.
Face à l’offensive de la bourgeoisie appuyée par les Etats-Unis, l’Unité populaire se divise. Les partisans de ralentir les avancées pour ne pas effrayer l’opposition, emmenés par le Parti communiste chilien, s’oppose à l’aile gauche du Parti socialiste qui prônent une participation directe des travailleurs dans le processus de transformation. Allende tranche en faveur de ceux qui veulent temporiser. Et Alejandro à travers lequel nous suivons ces mille jours de l’Unité populaire dira : « A force d’hésitations et de conciliations, l’UP montre une grave faiblesse face à l’ennemi ».
Le 11 septembre 1973, c’est le coup d’Etat tant redouté qui survient, dirigé par le général Pinochet, nommé par Allende commandant en chef de l’armée de terre peu de temps avant… et présenté comme loyal. Comme des milliers de militants et militantes, Alejandro sera arrêté, torturé et exécuté. Soledad, parviendra à se réfugier en Belgique. Depuis la fin de la dictature en 1989, elle retourne régulièrement au Chili pour réclamer justice pour les morts et les disparus.
Il faut lire et faire lire ce livre dont le texte très documenté de Désiré Frappier comme les beaux dessins en noir et blanc d’Alain Frappier nous immergent complètement dans cette période tout en proposant une analyse politique pertinente de ce que furent ces mille jours de l’Unité populaire.
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