MOLCER 9- Annexe à l'article Les trotskistes et la guerre d'Indochine
Appel aux travailleurs de France - Halte à l’expédition coloniale en Indochine
Des combats meurtriers ont opposé le corps expéditionnaire français aux troupes et à la population vietnamienne à Haïphong, à Kien-An et à Langson.
La guerre menace, à nouveau, de s’étendre à tout le pays.
Des accords ont pourtant été conclus le 6 mars 1946, un “modus vivendi” a été signé avec le président Ho Chi Minh (1) le 14 septembre. En réalité, ces accords, le gouvernement français ne les a conclus que parce qu’il n’avait pas la force de s’imposer d’un seul coup à un peuple de vingt millions d’êtres, dressés d’un seul élan contre sa domination. Tout en ayant l’air de faire droit à la volonté d’indépendance du Viet-Nam, ces accords ne servent que de couverture à ses entreprises de reconquête coloniale.
Travailleur français, vas-tu plus longtemps, par ton inaction, te faire le complice de cette criminelle entreprise ?
Parce qu’il y a des ministres socialistes et communistes en son sein, tu es peut-être tenté de faire confiance au gouvernement ? Mais ces ministres socialistes et communistes, après avoir approuvé les crédits de guerre pour l’Indochine et félicité Leclerc(2) pour ses massacres, continuent à laisser en place les créatures les plus réactionnaires, tels que d’Argenlieu (3) et quantité d’anciens dignitaires de Vichy.
Ce sont ces derniers qui font la loi en Indochine.
Ce sont eux qui, comme naguère Hitler en Europe occupée, ont mis en place en Cochinchine un gouvernement de fantoches vomi par la population.
Ce sont eux qui, aujourd’hui, selon un plan préétabli par l’état-major, essaient d’occuper les ports et les villes-frontières du Viet-Nam, et sont les responsables du rebondissement des hostilités. En les maintenant à leur poste, le gouvernement approuve leur politique et la prend à son compte.
POUR QUOI ET POUR QUI SE BAT-ON EN INDOCHINE ?
À entendre les suppôts du colonialisme, c’est par pure générosité et pour défendre “la cause sacrée de la civilisation” que la France doit se maintenir en Indochine. Va-t-on nous faire croire que c’est un esprit de sacrifice désintéressé qui pousse l’impérialisme français, au bord de la faillite, à gaspiller des dizaines de milliards pour cette expédition coloniale ?
Mensonges que tout cela !
C’est pour les hauts bénéfices de la Banque d’Indochine.
C’est pour les millions que rapportent à Michelin les plantations de caoutchouc.
C’est pour les actionnaires des mines du Tonkin.
C’est pour les propriétaires de milliers d’hectares de rizières en Cochinchine, qui, en 1945, ont stocké le riz tandis qu’au Tonkin une personne sur sept mourait de faim.
C’est pour les trafiquants de l’opium et de l’alcool, que les représentants de la “civilisation” à la Sarraut(4) obligeaient le peuple indochinois à consommer.
Voilà pour qui et pour quoi on se bat en Indochine !
Voilà ce qui se cache derrière les phrases sur “le maintien de la France” !
À toi, travailleur de France, cela ne rapportera que le droit de te faire trouer la peau dans un corps expéditionnaire quelconque.
À toi, cela ne rapportera que d’avoir tes salaires bloqués, et de te serrer un peu plus la ceinture pour payer les frais coûteux de cette expédition.
QUELS SONT LES CHAMPIONS DE LA GUERRE COLONIALE ?
Il te suffira, travailleur, de regarder les journaux pour voir qui ils sont. Tu verras alors, et tu en seras frappé, que c’est toute la crème de la réaction et du fascisme dans ce pays qui réclame du gouvernement des actes énergiques contre “ce chef de bande devenu chef de gouvernement”, Ho Chi Minh. C’est Le Monde du Comité des Forges, c’est L’Aurore de Piot(5) , rédacteur sous l’occupation à L’Oeuvre de Déat (6) c’est Le Figaro, c’est L’Aube, représentants de la réaction cléricale, c’est L’Epoque enfin, champion de l’anticommunisme et organe des trusts sucriers et autres, sans parler du journal du P.R.L.(7) , qui entre en transes.
L’expédition d’Indochine, c’est la chose de tous ceux qui visent à instaurer dans ce pays un régime de dictature.
LES TRAVAILLEURS FRANCAIS, le peuple annamite ont donc devant eux un même ennemi.
TRAVAILLEURS DE FRANCE, les travailleurs des autres pays, les masses d’Indochine, les masses coloniales du monde entier ont les yeux tournés vers toi. En laissant sans riposter les colonialistes mener leurs entreprises, tu pousses les peuples colonisés à te confondre dans leur haine des oppresseurs impérialistes, tu laisses la voie libre à l’instauration de la dictature dans ce pays.
Toi qui a lutté dans la résistance contre l’occupation nazie, vas-tu interdire au peuple annamite sa libération de l’occupant français ?
Partout, à l’usine, sur le chantier, manifeste ta solidarité à l’égard des travailleurs du Viet-Nam.
Dans ton syndicat, dans ta section, socialiste ou communiste, fais voter des motions pour exiger :
- la cessation immédiate des hostilités ;
- le rappel de d'Argenlieu ;
- l’arrêt de tout envoi de troupes “de relève” ;
- le retrait de toutes les troupes d’occupation ;
- l’envoi d’une commission d’enquête composée de délégués de tous les partis ouvriers et des organisations syndicales.
Dockers, dans les ports, refusez d’embarquer les troupes et les munitions pour l’Indochine.
Vive l’indépendance du Viet-Nam !
Vive la solidarité internationale des travailleurs !
PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !
Le Groupe Indochinois de la IVe Internationale
Le Parti Communiste Internationaliste (section française de la IVe Internationale), 19, rue Daguerre, Paris-14e.
Notes
1Hô Chi Minh (1890-1969), communiste vietnamien, fut le principal dirigeant du Viet-Minh et de la République Démocratique du Viet-Nam.
2 Leclerc, de son vrai nom Philippe de Hauteclocque (1902-1947), fut commandant en chef en Indochine d’août 1945 à juillet 1946.
3 D’Argenlieu Thierry fut haut-commissaire en Indochine d’août 1945 à mars 1947.
4 Sarraut Albert, radical, fut gouverneur général de l’Indochine.
5Jean Piot (1889-1948) fut un des fondateurs et rédacteurs de L’œuvre, journal de gauche qui passa à la collaboration ; lui-même en fut écarté fin 1940 à la demande des autorités allemandes. Après la Libération, la commission professionnelle d’épuration lui redonna sa carte de presse, et Jean Piot fut rédacteur en chef de L’Aurore (anti-communiste et proche du RPF de de Gaulle) jusqu’à sa mort.
6Déat Marcel (1894-1955), néo-socialiste, se rallia au fascisme et à la collaboration pendant la guerre.
7 Parti Républicain de la Liberté, né à la Libération avec l’ambition de devenir le creuset de l’union des droites.
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