MOLCER n°2, Eric Aunoble
En mars 1919, au congrès fondateur de l’Internationale communiste, Lénine déclare : « Le citoyen Péricat est un des rares représentants du mouvement ouvrier français qui soit pour l’essentiel solidaire avec nous ». Ouvrier du bâtiment, militant « ultra » de la CGT responsable de la fédération du Bâtiment, opposant de la première heure à la guerre, soutien des bolcheviks dès juillet 1917 : l’homme paraît tout désigné pour édifier un parti prolétarien et révolutionnaire comme Lénine le conçoit. D’ailleurs, un an et demi avant le congrès de Tours, Raymond Péricat s’engage dans la constitution d’un Parti communiste qui regrouperait les révolutionnaires de différentes tendances en France.
Pourtant, celui que la presse et la justice présentent alors comme un agitateur stipendié mettant la patrie en danger est aujourd’hui bien oublié. Son « Parti communiste », vite réduit à un groupuscule, ne passe pas l’année 1919 et Péricat lui-même ne fera plus guère parler de lui, même si l’on retrouve sa trace ultérieurement au PC et à la CGT. Cet effacement est parallèle à celui du courant syndicaliste révolutionnaire en France : aile marchante du mouvement ouvrier avant 1914, il fournit les cadres du mouvement zimmerwaldien puis pro-bolchevique. Or, il disparaît après la naissance de la SFIC. On sait qu’Alfred Rosmer et Pierre Monatte ont été écartés du PC en 1924 après avoir lutté contre les premières manifestations du stalinisme. Leur opposition « syndicaliste-communiste » resta aussi marginale que celles des militants qui formèrent la CGT-SR (syndicaliste-révolutionnaire) en 1926. La majorité des anciens « anarcho-syndicalistes » s’était au contraire fondue sans accroc apparent dans le PC stalinisé. Le cas de Péricat aide à comprendre ce paradoxe, à condition de suivre son parcours pour voir comment le militant a réagi à différents moments de fracture.
Des luttes sociales aux responsabilités syndicales
Né en 1873, Péricat commence à travailler dans le Bâtiment à 12 ans et demi (« 12 heures de travail ; 20 sous par jour, travail le dimanche, la paye tous les mois », précise-t-il dans ses souvenirs1). À 15 ans, il fait sa première grève et assiste à l’enterrement d’Eudes, le général de la Commune. Il y chante l’Internationale, alors interdite. Suivent cinq ans de service militaire comme « soldat disciplinaire » dans les tristement célèbres bat’ d’Af2. Il participe ensuite à la grève du Bâtiment de 1898, à celle des maçons-plâtriers en 1906 puis à celle des charpentiers en 1907. En...
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