MOLCER 7 -David Noël.Le département du Pas-de-Calais voit dans l’Entre-deux-guerres l’émergence d’un mouvement communiste original, héritier à la fois du guesdisme et du syndicalisme révolutionnaire, particulièrement influent sur le littoral et surtout dans le bassin minier où se concentre la majorité des effectifs.
Dans un contexte de vive concurrence avec la SFIO et la CGT et en dépit des départs et des exclusions qui les affectent, le PCF et la CGTU parviennent à s’implanter de manière durable dans leurs bastions municipaux, nouvelles vitrines d’un communisme municipal original, et connaissent un essor considérable à la faveur de la montée du fascisme et du Front populaire.
Le département du Pas-de-Calais constitue un territoire privilégié pour étudier la galaxie communiste. Anciennement industrialisé, doté d’une façade portuaire active dominée par Calais et Boulogne, le Pas-de-Calais ne se résume pas à son important bassin minier qui attire, au lendemain de la Première Guerre mondiale, de nombreux travailleurs étrangers, belges, polonais ou italiens.
Marqué par le syndicalisme minier et les affrontements entre syndicalistes révolutionnaires et réformistes, le Pas-de-Calais constitue un terrain de lutte et d’affrontements entre communistes et socialistes et entre syndicalistes unitaires et confédérés.
Au moment du congrès de Tours, la fédération socialiste du Pas-de-Calais est la troisième de France avec 14 000 adhérents, derrière celles de la Seine et du Nord ; en 1937, la hiérarchie issue de la SFIO n’a pas changé et la fédération communiste du Pas-de-Calais compte 12 000 adhérents, six fois plus qu’au début des années trente.
Comment le Pas-de-Calais est-il devenu un territoire emblématique du communisme français ?
Les héritages guesdistes et broutchoutistes
La force du communisme dans le Pas-de-Calais s’explique en premier lieu par son double héritage issu du guesdisme et du broutchoutisme.
Le Parti ouvrier français (POF) de Jules Guesde, qui se développe dans les années 1890, est en effet largement dominé par les ouvriers, qui représentent 60 % des adhérents du parti ; parmi eux, les plus nombreux sont les ouvriers de l’industrie textile, ce qui correspond aux zones de
force du parti, la métropole lilloise avec Roubaix et le secteur de Calais où les guesdistes
sont à la tête du syndicat des ouvriers tullistes.
Le POF s’implante dans le bassin minier du Pas-de-Calais au lendemain des grèves de 1893.
Avion, ville minière de 5 000 habitants en 1900, constitue le principal bastion du POF dans le bassin minier. Octave Delcourt y fonde un groupe du POF en 1886 qui compte 55 cotisants
réguliers en 1898 et 250 en septembre 1900 dans tout le bassin minier.
Bastion du guesdisme, Avion est conquise par les communistes en 1935 et reste, jusqu’à aujourd’hui, une citadelle du communisme municipal qui a toujours été dirigée par le PCF.
Le communisme du Pas-de-Calais doit aussi beaucoup, incontestablement, à l’héritage du broutchoutisme. Syndicaliste anarchiste installé dans le Pas-de-Calais à partir de 1902, Benoît Broutchoux devient le rédacteur en chef l’année suivante du Réveil syndical, le journal du syndicat guesdiste, renommé en 1904 l’Action syndicale ; le « jeune syndicat » – par opposition au « vieux syndicat » réformiste des mineurs dirigé par Emile Basly, le député-maire socialiste de Lens – compte alors 300 à 400 adhérents et son hebdomadaire est vendu à 3 500 exemplaires chaque semaine.
La catastrophe de Courrières de 1906 démultiplie l’audience du syndicat broutchoutiste dont les militants sont à la pointe de la grève. Ses bastions se situent dans la concession des mines de Courrières, autour d’Hénin-Liétard. Anticlérical et antimilitariste, le syndicalisme révolutionnaire qu’a incarné le jeune syndicat broutchoutiste a fortement influencé le communisme naissant et le syndicalisme unitaire.....
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