MOLCER n°2, François Ferrette
L’histoire du congrès de Tours et de ses protagonistes est largement connue. La motion majoritaire qui séparera la famille socialiste en deux partis (socialiste et communiste) est le fruit d’une alliance entre deux courants politiques. Pour autant, des interrogations subsistent sur le rapport de forces entre les deux courants, sur la capacité du Comité de la 3e Internationale à peser au congrès de Tours. Par ailleurs, les souvenirs militants contribuent pourtant à donner une image flatteuse d’un Comité dont la réputation est d’avoir été dépassé par les événements. Comment lever cette contradiction ?
Les premiers communistes (mai 1919)
Le Comité de la 3e Internationale, fondé en mai 1919, rassemblait donc les premiers communistes qui œuvraient pour l’adhésion du parti socialiste à la nouvelle Internationale fondée à Moscou. À sa tête, se trouvaient initialement trois secrétaires : Fernand Loriot, Pierre Monatte et Louise Saumoneau. La création de son hebdomadaire, le Bulletin communiste, en mars 1920 lui offre l’opportunité d’une meilleure visibilité mais aussi d’une meilleure intervention. De jeunes socialistes, décidés à développer une vie interne plus intense et une expression externe plus consistante, lui donnent une impulsion décisive. Des sections locales se multiplient et un congrès national était prévu, tout comme l’élaboration d’un programme politique adapté aux conditions de la France. Mais l’emprisonnement en mai 1920 de Pierre Monatte, Fernand Loriot et Boris Souvarine (remplaçant Louise Saumoneau en tant que co-secrétaire), comme mesure de répression contre un prétendu complot contre la sûreté de l’État, fit avorter nombre de projets.
La motion en faveur de l’adhésion immédiate à la 3e Internationale lors du congrès national du Parti socialiste, tenu à Strasbourg en février 1920, emportait déjà officiellement 1621 mandats contre 3031, dont 337 issus de l’aile droite. Ces résultats permirent à 8 membres du Comité d’entrer dans la direction du Parti socialiste composé de 24 élus. Si 1621 mandats revenaient bien à la motion du Comité de la 3e Internationale, 315 mandats manquaient à l’appel, détournés par les délégués du Pas-de-Calais, de l’Hérault et de la Loire. Dans le Nord, les délégués des sections socialistes, porteurs de 150 mandats en faveur de la 3e Internationale, avaient été retournés lors du congrès départemental après l’intervention de Frossard, qui s’est spécialement déplacé pour les convaincre de se rallier aux thèses de la direction du parti socialiste. À la base, il y avait donc 465 mandats qui manquaient à l’appel, à retrancher d’un côté et à ajouter de l’autre. Il fallait donc apprécier ce qui se déroulait dans la base socialiste, estimée à 2086 mandats en faveur de l’adhésion à la 3e Internationale (44,7%), 2229 pour la majorité (47,8%) et 337 (7,5%) pour la minorité de droite.
Le ralliement de la fraction Cachin-Frossard (été 1920)
Le second courant qui appuie l’adhésion à la 3e Internationale est en réalité une fraction qui s’est détachée de la tendance reconstructrice formée fin décembre 1919, appelée Comité pour la Reconstruction de l’Internationale (CRI), qui détenait la direction du parti. Son but est d’unifier internationalement les partis ayant quitté la IIe Internationale avec ceux ayant adhéré à la IIIe, ce qui signifiait que cette dernière n’était pas vraiment une Internationale.
La fraction, qui se forme durant l’été 1920, se détache de cette tendance et s’intitule « Cachin-Frossard », en référence à ces deux socialistes qui se sont rendus en juin 1920 à Moscou afin de remplir le mandat des reconstructeurs. Mais ils changent d’avis au cours de leur séjour en Russie. Ils envoient un télégramme fin juillet en France dans lequel ils annoncent se rallier à titre personnel à la IIIe Internationale. Pour eux, il n’existe donc plus d’espace politique possible entre la IIe et la IIIe Internationale. Cachin et Frossard vont ensuite mener campagne en France de la mi-août à décembre 1920 pour rallier à leurs vues un maximum de socialistes. En octobre, des négociations sont entamées avec le Comité de la 3e Internationale pour la rédaction de la motion d’adhésion qui...
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