MOLCER 8- Jean-Pierre Molénat- Le premier essai de république en Espagne, en 1873, vit se développer, sous le mot d’ordre de « fédéralisme par en bas », de multiples insurrections locales, baptisées « canton ». Celles-ci furent vivement dénoncées par F. Engels, représentant l’aile marxiste d’une Première Internationale déjà divisée. Bien qu’elles aient présenté certains aspects évoquant la Commune de Paris (1871), elles en différaient fondamentalement par leur composition sociale et aboutirent, avec la fin de la république, en 1875, à une Restauration qui durera jusqu’à la nouvelle chute de la monarchie en 1931.

 

De l'avènement de la république à la proclamation de la république fédérale (février-juin 1873)
Le 11 février 1873, après l’abdication du roi Amédée Ier, l’Assemblée nationale espagnole, formée par la réunion du Congrès et du Sénat, bien qu’elle fût constituée d’une majorité de monarchistes, proclamait la république, à défaut de toute autre solution possible. Cette proclamation et ses suites marquent le climax d’une période appelée le Sexennat révolutionnaire (ou démocratique) (1868-1874), ouvert par le pronunciamiento de septembre 1868 et la Révolution qui s’ensuivit, appelée la Glorieuse (la Gloriosa), avec le départ pour l’exil de la reine Isabelle II, mettant fin au régime des « libéraux » conservateurs, appelés les modérés (los moderados).
Dans un premier temps, après la Gloriosa, il fut procédé à l’essai d’une monarchie un peu plus démocratique, avec l’élaboration par les Cortes constituantes d’une nouvelle constitution, comportant notamment le suffrage universel masculin, avec la recherche d’une dynastie se substituant à celle des Bourbons, discréditée. Cette quête s’était conclue par le choix du prince Amédée de Savoie, second fils du roi d’Italie Victor-Emmanuel II, élu par les Cortes constituantes, le 16 novembre 1870, par seulement 191 voix contre 100 et 19 abstentions. Mais les dissensions à l’intérieur de la majorité parlementaire des partisans d’Amédée Ier, outre son impopularité notamment en tant qu’étranger, furent telles qu'elles conduisirent à l’abdication du nouveau roi, deux ans seulement après son avènement. 
Les élections aux nouvelles Cortes constituantes en mai 1873, du fait de l’abstention des monarchistes des différentes obédiences, notamment carlistes (légitimistes) et partisans d’Alfonso, fils d’Isabelle II, le futur Alphonse XII, ainsi que des républicains modérés, donnèrent une majorité écrasante au Parti républicain fédéral, formé après la Gloriosa, mais celui-ci était très divisé, entre une droite modérée (les « bénévolents ») et une gauche extrémiste (les « intransigeants »). Le clivage résidait dans le choix entre une république fédérale construite « par en haut », ou « par en bas » à partir de micro-unités indépendantes auto-proclamées, dénommées les « cantons » par analogie avec la Suisse. Le 7 juin 1873, l’assemblée récemment élue proclama la república federal sans entrer pourtant dans les modalités de sa réalisation.

Les guerres de la république : Cuba et les carlistes.
La jeune république, dès sa proclamation, dut faire face à deux guerres, l’une et l’autre déclenchées dès avant son entrée en scène, et qui se poursuivirent après sa fin. L’une se déroulait à l’outre-mer, s’agissant de la première guerre d’indépendance de Cuba, dite « guerre des dix ans » (1868-1878), et l’autre à l’intérieur de la péninsule, avec la nouvelle insurrection « carliste » des monarchistes légitimistes, partisans de don Carlos de Bourbon, laquelle affectait principalement les provinces du Nord (Pays Basque et Catalogne). La république s’avéra aussi incapable de mettre fin à la première par des réformes dans le régime colonial, que d’en terminer avec la seconde. De même, en ses diverses tendances, elle ne sut pas mener à bien une réforme agraire, particulièrement nécessaire dans le Sud latifundiste du pays, où le problème avait été aggravé sous les régimes précédents par les modalités de la « désamortisation » des biens ecclésiastiques et des communaux (la privatisation des terres et leur mise sur le marché), et où l’avènement de la république fut souvent entendu par les paysans sans terre comme l’heure du partage des propriétés....
 

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