MOLCER 8- Brian Kelly.La période tumultueuse d’une douzaine d’années qui suivit la victoire du Nord, période que les historiens appellent « Reconstruction », constitue un épisode traumatique et instructif de l’évolution de la classe ouvrière multiraciale de l’Amérique. Elle fut aussi, suivant l’expression d’Eugene Genovese , une « grande opportunité manquée ». Le soulèvement qui, au lendemain de l’abolition, opposa quatre millions d’esclaves émancipés à leurs anciens maîtres constitue en effet une rupture révolutionnaire qui jeta les bases de l’évolution des États-Unis modernes.


Une rupture révolutionnaire  
Bien que ces quarante dernières années aient été marquées par une évolution non négligeable de l’historiographie de cette période, je ne me concentrerai pas, dans ce bref article, sur les détails fournis par les recherches récentes . Je soumettrai à l’épreuve des faits la thèse de Michael Goldfield  sur la valeur de la démarche matérialiste dans la compréhension du passé. Si l’on s’appuie sur les fondements de l’économie politique en se concentrant sur les rapports de classes, cette méthode permet, à mon sens, de traiter finement et avec nuance d’importantes questions d’ordre culturel. Je me ferai ainsi l’écho de l’appel de Goldfield en faveur d’un abandon de « l’approche culturaliste de l’histoire » et d’un retour à un matérialisme souple et sophistiqué en appréhendant clairement ce que W.E.B. Du Bois appelait « la période la plus décisive de l’histoire américaine » . 
Je voudrais analyser ici la portée de l’émancipation des esclaves et ce qu’elle a représenté pour le mouvement ouvrier américain à partir d’une analyse contrefactuelle supposant que cette opportunité historique n’ait pas été manquée. Mon point de départ est le livre de W.E.B. Du Bois, Black Reconstruction in America (1935), probablement l’étude la plus importante de toute l’historiographie des États-Unis, un ouvrage incroyablement riche, ouvrant de nombreuses pistes de réflexion et qui continue d’offrir une vision profonde des interactions entre race et classe au cours de l’histoire américaine. Depuis sa publication au milieu de la Grande dépression, et notamment depuis le regain de ferment intellectuel stimulé par les luttes pour les droits civiques et le mouvement noir de libération  dans les années 1960 et au début des années 1970, cette œuvre maitresse de Du Bois est devenue la clé de voûte d’une réinterprétation en profondeur de la période de la Guerre de sécession  et de la Reconstruction...

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