MOLCER 8-Donna Kesselman - En 1955, pour le 50° anniversaire de la fondation de cette organisation, James P. Cannon a écrit :
"Lorsque le congrès de fondation de l’IWW (Industrial Workers of the World) s’ouvrit à Chicago en juin 1905, la grève générale qui marquerait la première révolution russe commençait déjà et son écho se fit entendre dans la salle du congrès. La coïncidence de ces deux événements préfigurait ce que serait le futur du monde.
Les dirigeants syndicaux, réunis à Chicago, saluèrent la révolution russe comme la leur. Ces deux actions, qui s’étaient développées indépendamment l’une de l’autre, séparées par des milliers de kilomètres, annonçaient l’ouverture d’un siècle de révolutions. Ils constituaient une anticipation de ce qui allait advenir (…) . "
L’événement voit en effet le jeune mouvement ouvrier s’affirmer en précurseur des combats épiques pour le syndicalisme d’industrie que connaîtront les États-Unis 30 ans plus tard. Elle réunit, pour la première et unique fois, à la même tribune, la quasi-totalité des tendances. Y prennent la parole les plus grands dirigeants ouvriers de l’époque, Big Bill Haywood, Eugene Debs, Daniel De Léon ainsi que d’autres figures marquantes telles que William A. Trautmann, Lucy Parsons, Vincent Saint John, Father Hagerty, Mother Jones, pasionaria des mineurs, Elizabeth Gurley Flynn, future dirigeante des IWW et du Parti communiste des Etats-Unis, qui, comme bien d’autres organisations politiques et syndicales américaines, se réclame de l’héritage des IWW .
Si la construction de syndicats sur la base de la branche industrielle, raison d’être du congrès, fait rapidement consensus, d’âpres débats porteront sur la nature de l’organisation à construire, et notamment sur la relation entre syndicalisme et politique. Ils s’inscrivent ainsi dans des débats qui traversent le mouvement ouvrier depuis la Première Internationale. Si l’urgence d’œuvrer vers le socialisme qui est au cœur des interventions s’inspire de l’actualité révolutionnaire en Russie, d’autres ne sont pas sans lien à d’autres marqueurs historiques de l’époque, comme la fondation de la CGT ou la Charte d’Amiens.
Qui étaient les Wobblies, selon l’épithète familier qui désigne cette organisation ? Dans sa courte existence - car la période de son activité est normalement située entre sa fondation et son déclin après la Première Guerre mondiale - ce syndicat aura contribué à l’expérience de la lutte prolétarienne et à sa théorisation aux Etats-Unis, tout comme à sa mémoire qui imprègnera la conscience de classe jusqu’à aujourd’hui, et au-delà des frontières de ce pays. Après une rapide présentation, nous reviendrons sur la période de préparation qui jette les bases du congrès, puis sur ces travaux autour des considérations centrales évoquées ici.
Qui étaient les IWW ?
Dans l’imaginaire populaire, écrivait en 1965 l’historien Philip S. Foner: « Les lettres I.W.W. évoquent encore l'image d'un sinistre ennemi interne de la société américaine, une organisation de clochards « lanceurs de bombes » qui prêchaient et pratiquaient la violence sans autre raison que de semer le trouble . » Rares sont ceux, poursuit-il, qui connaissent le rôle pionnier qu’ont joué les Wobblies dans l’histoire ouvrière américaine : la constitution du syndicalisme d’industrie selon leur devise « organiser les non-organisés », des grèves épiques de l’époque, plus de 150, dont la grève Bread and Roses des ouvriers de textile de Lawrence (1912) et de Paterson Silk (2013), la première grève sur le tas à Schenectady, des grèves rassemblant Noirs, Latinos et Blancs dans le Sud ségrégationniste, la défense de la liberté d’expression et la lutte, dès 1914, contre la guerre. On comptait 90 journaux affiliés aux IWW dans 19 langues.
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MOLCER n°8 Juin 2024 - Revue MOLCER
Sommaire DOSSIER : ASPECTS DE L'HISTOIRE DU MOUVEMENT OUVRIER AUX ÉTATS-UNIS Éditorial, par Jean-Numa Ducange Introduction, par Donna Kesselman Chronologie : histoire du mouvement ouvrier des ...
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