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MOLCER 10- Entretien avec Olivier Mahéo, à propos de son livre qui propose une nouvelle histoire de la lutte des Noirs américains (propos recueillis par Roger Revuz)
MOLCER – Le sous-titre de ton livre fait clairement référence au livre de Howard Zinn : une histoire populaire des États-Unis.
Olivier Mahéo – Merci à la revue Molcer de me donner l’occasion de présenter ce livre. Ce livre est issu d’un large remaniement de ma recherche en thèse, que j’ai soutenue sous la direction d’Hélène Le Dantec-Lowry :
« « ’Divided we stand’ : Tensions et clivages au sein des mouvements de libération
noire, du New Deal au Black Power ». Il s’agissait à partir de sources qui rendent compte du point de vue de ses actrices et acteurs, d’écrire une histoire longue du mouvement pour les droits civiques. Depuis les années
2010, à la suite de la traduction en 2002 du livre d’Howard Zinn – bien tardive, Pierre Nora s’était opposé à sa publication en français –, on assiste à la multiplication des ouvrages qui annoncent « histoire populaire » dans leur titre. Cela ne dit rien de précis sur leur choix méthodologiques, qui diffèrent souvent, un numéro de la Revue d’histoire moderne et contemporaine a été consacré à ces questions. Zinn veut signifier qu’il se place
du côté des dominés, des vaincus de l’histoire, les femmes, les minorités. Spontanément, on pourrait penser que l’histoire des Africains-Américains serait de fait nécessairement une histoire populaire, puisqu’elle s’intéresse à une minorité en révolte. En réalité une histoire « par en haut » a longtemps dominé l’historiographie des mobilisations noires. Un de mes objectifs est de montrer la diversité des courants politiques qui traversent ces mouvements, et la manière dont les plus radicaux tout comme les militantes ont été réduits au silence et invisibilisé.es. J’ai donc choisi cette expression d’histoire pour dire la volonté d’écrire une sorte de « contre-histoire », à partir de sources qui permettent de tenter d’écrire une histoire par en bas du mouvement, du point de vue de celles et ceux dont les choix politiques étaient minoritaires. Le livre ne prétend pas être exhaustif de ce point de vue, mais il s’agit au moins de modifier le regard sur ces mobilisations, pour en montrer la complexité.
MOLCER – L’historiographie de la lutte des Noirs américains se concentre le plus souvent sur la période 1955-1965. Ton étude englobe une période beaucoup plus large.
O. M. – Le choix de mettre en perspective le mouvement pour les droits civiques sur une période qui s’étend des années 1930 à la période du Black Power est lié avec la volonté de rompre avec une historiographie qui a trop longtemps résumé cette histoire à l’objectif de l’égalité politique. À la suite des travaux initiés dans la perspective d’un « Long Civil Rights Movement », j’ai voulu retracer les parcours de différent.es militant.es depuis leurs années de formation, en lien avec la gauche marxiste dans les années 1930, pour montrer que leurs perspectives politiques incluaient à la fois une dimension économique et le lien avec les luttes anticoloniales. Le mouvement pour les droits civiques est souvent opposé artificiellement aux années du Black Power : d’un côté une mobilisation pacifique et couronnée de succès en 1964-1965, de l’autre une radicalisation stérile et contre-productive. J’ai voulu montrer à quel point cette distinction est fausse et politiquement orientée. Pour que les mobilisations parviennent à des résultats même partiels, il a fallu à la fois emprunter aux traditions politiques les plus radicales, que le maccarthysme avait réduites au silence, mais aussi dépasser le cadre étroit que la direction libérale imposait aux mobilisations. Sans les émeutes et le nationalisme radical de la fin des années 1960, la plupart des avancées n'auraient pas été possibles. Martin Luther King tout comme Malcom X étaient bien conscients de ce jeu politique, qui consistait à menacer le pouvoir d'une dérive violente : "La prochaine fois le feu" écrivait James Baldwin...
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MOLCER 10 Sommaire - Revue MOLCER
Éditorial, par Jean-Numa Ducange, page 5 Robespierre : fabrication et usages d'un mythe, par Marc Belissa et Yannick Bosc, page 6 Découvrir Saint-Just, par Catherine Goblot-Cahen, page 14 Eugène...
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